08/02/09
8h du mat. Quartier au reside l’ONG Enfants du Monde qui nous programme.
Quartier grouillant, fourmillant, echoppes de the dans la rue, partout petits generateurs, fumees et boucan, vu que
pannes de courant tout le temps, tres courant…
En plein milieu une tour de fer et verre, une des rare a Yangon. Se veut moderne et clean. Batie par des Japonnais
y parait. A son pied des ordures et des ordures et des ordures. Un beau papillon bleu dessine des arabesques dans l’air matinal. Il survole un container suintant la charogne, pousse contre un mur effondre.
Un chien errant, pattes arrieres sur le rebord et museau en dedans se delecte. Poses a quelques pas de lui des dizaines de corbeaux offusques que ce canide galeux leur barbotte leur p’tit dej’. L’un d’eux volette et donne un coup de bec bien senti dans le cul du chien. Celui-ci sursaute, grogne puis reprend son festin. Le corbeau reattaque en piquee. Puis 2, puis 3…Le ton monte.
Le papillon papillonne par dessus tout ca. Il doit etre un membre de l’ONU charge de retablir les droits de l’homme et l’equite dans ce pays.

Nous helons un taxi, le musicien birman, May la comedienne birmane, Moshe,Hemo et moi. On abandonne le papillon a sa tortueuse negociation.
Aujourd’hui pour commencer, un orphelinat pour filles. 200 elles y sont.
Seules 50 auront droit au spectacle, les autres coloquees pour cause d’examens scolaires imminants.
C’est trop injuste. Elles sont la derriere des grillages a nous chanter une chanson de bienvenue et y demeuront
cloitrees. Pour horizon barreaux et cahiers. Tu parles d’un avenir. On tente un compromis : spectacle plus court mais toutes presentent. Rien a faire. Le compromis ne semble pas un fleuron de ce pays.
Donc 50 gamines aux allures de p’tits durs dans une grande piece. Pour nous fastoche, on deroule a l’aise…

Quelques anecdotes cependant, ici fastoche ne veut pas dire simple….Je suis en plein numero et deux femmes
de l’institution font leur entree. Elles se mettent a compter les gamines une a une. Les recomptent. Leur font faire une ronde pour mieux les rerecompter. Ca dure ca dure. Moi je suis suspendu au milieu de mon geste. J’endure j’endure. Et me demande ce qu’elles fabriquent. Suivraient-elle un stage de comptablite et commenceraient-elles par l’ABC : apprendre a compter ? Dans ce cas pourquoi compter les spectatrice du spectacle ??? Mystere d’Orient.
Je reprends. Tu parles si c’est commode apres pareille confusion. Trois minutes et j’ai retabli la situation.
C’est alors que font leur entree 2 autres superieures accompagnees de 6 ou 7 etudiants japonnais.
Japonnais je vous jure. Ca saute aux yeux. Eux sont eberlues de tomber en plein show, s’assoient timidement comme des Japs pris la main dans le sac. Et bien evidement tout mon public de gamines type « petits mecs » se retourne pour devisager les nouveaux venus.
Je vous le concede, c’est drole, mais, ego d’artiste blesse ? J’eus prefere que se fussent Moshe ou Hemo en scene a ce moment.
J’avise les Japonnais et leur suggere de nous interpreter une tranche de theatre No ou de Kabuki.
J’apprendrai plus tard que se sont des etudiants faisant une these sur les ONG en Birmanie.
Sacre coincidence : il y a au bas mot 250 000 ONG, comment firent-ils pour debarquer ici a ce moment alors que c’est MOI qui suis en scene ? Autre mystere d’Orient.

Le spectacle termine je m’echappe et devale le jardin-terrain vague, franchis des barbeles mous, grimpe sur le mur d’enceinte et m’y assieds. Par dela un petit etang, des arbres, une pagode bouddhiste au grand stupa dore.
Le tout paisible et deglingue dans la lumiere etincellante. Au bord de l’etang des gens accroupis. Ils procedent a ce rituel immuable : nourrir les poissons-chats.
Je debarque au seuil du premier matin du monde. 10 000 ans que ce moment je l’attends.
Les poissons-chats sont si nombreux qu’on pourrait aisement marcher sur l’eau, image christique, ou y mediter, image bouddhiste…

08/02/09 Soir. Soe Ya Thu vient me chercher pour un spectacle solo. La fete de son quartier. Kermesse breugelienne
a la sauce birmane.
Une grande scene super illuminee a cote d’un enorme Bouddha en ciment sous un dai de serpents (un des innombrables episodes de la geste du Bouddha eternellement immobile, en meditation, surtout quand ca tourne vinaigre).
Tout un orchestre traditionnel sur scene. Des micros, des types qui vociferent dans les micros, ils adorent ca partout en Asie. Personne ne comprend rien vu qu’ils sont 4 ou 5 a s’egosiller de concert mais c’est pas grave, l’important c’est que ce soit assourdissant. La c’est reussi. Le Bouddha commence a se fendre. Son impassibilite me reconforte. Las, je ressemble plus au ciment qu’au Bouddha.
Devant la scene, 2000 personnes a vue d’oeil bride. Une heure de spectacle. Un franc delire.
Bien sur l’orchestre ne resiste pas au plaisir de m’accompagner. Vu qu’il est dans mon dos les musiciens ne voient rien. Qu’importe, ce soir tout est bon dans le cochon. Excepte pour la mosquee a 3 encablures.
Soe Ya Thu s’integre dans le spectacle. Debut d’une collaboration qui fera de nous des super-stars a Yangon, je ne vous dis que ca.
Apres il ne me restera plus qu’a etre connu dans mon pete de maisons a Bruxelles…