22/11/10, Durbar Square
Ca commence par un mail. D’une assoc francaise « on a entendu parle de vous, on tient un petit centre d’acceuil d’urgence pour enfants de rues. Si vous pouviez venir…Les enfants parlent de vous avec des yeux… » Bon, arretez l’effusion, c’est d’accord on vient. Incroyable le nombre de gens qui gravitent autour des enfants de rues.
 
On peut jouer soit dans leurs locaux minuscules soit a 2 pas de la, en exterieur sur Durbar Sq.
Cette invite sonne comme une consecration : Durbar Sq, le lieu magique…
 
22/11/10, 8h du mat, on est fin pret : les sacs contenant les spectacles, le mien 1kg500 celui de Paul
20kg…Il trimbale meme un ampli, c’est un super pro…Le smocking, les Ray Ban a 100 roupies, la moto
deglinguee, Durbar Square nous voici !
 
En moins d’un mois j’ai perce le mystere o combien fumeux du traffic a Kathmandu. C’est comme si je parlais soudain nepalis couremment.
Bon, entendons nous : ca demeure complexe. Par exemple tenir une conversation avec Paul en doublant un poids lourd peinturlure et croulant alors qu’un poids lourd peinturlure et effondre te double…On fait des progres, oui, mais on n’y est pas encore tout a fait.
Il y a trop de parametres a surveiller : la route pleine de trous tels des crateres lunaires, les taxis qui te poussent sur le bas cote, les poids lourds en surcharge qui te doublent en te ballancant leur fumee-gaz-de-combat droit dans la tronche, les chiens, les vaches, les buffles qui traversent sans crier gare. les
poubelles qui jonchent la chaussee…Ca fait beaucoup.
Pourtant tu integres toutes ces donnees, tu deviens extra-lucide, tu percois presque tout sans y preter attention, au mm pret tu evalues la distance entre le bus bonde que tu tentes de doubler et le buffle plante au milieu de la route, tu sais que tu passeras, au pire tu prendras un coup de queue dans les Ray Ban (a 100 roupies), c’est peu de chose, on survit a ca, jamais de coup de cornes…Pas jusqu’a ce jour….
 
Je roule en chantant a tue tete « Harley Davidson » de Gainsbarre ou un vieux tube des Doors « Come on Baby Light my Fire ». Paul, derriere, chante « Born to Be Wild »
De la pure poesie.
Pourtant quand tu coupes le contact, que se tait le moteur, tu sens que tu as laisse quelques neurones dans l’aventure. Clowns et Magicien sans Frontiere on en revient jamais indem…
 
9h30, Durbar Square. La foule d’Asie. Les gamins de rues qui nous attendent.
Au pied d’un des multiples temples un promontoire en pierres, une scene naturelle. On s’installe la. On se prepare a vue, il y a deja 500 personnes atrouppees, c’est deja un spectacle…
Le spectacle fonctionne dans les 2 sens : la moitie de l’Asie a nos pieds, des Nepalais de toutes ethnies, des babas peinturlures, des moines tibetains, des enfants de rues crados, des Didis des bebes plein les bras, des gamins en uniformes scolaires, des militaires fusil en banbouillere…Sur fond de temples aux multiples scultures erotiques.
20 metres a notre droite le palais de la Kumari, la deesse vivante, une adolescente pre-pubere
calfeutree la, sa fenetre « grillagee » d’une sublime dentelle de bois ouvrage la rend invisible a la foule. Elle voit sans etre vue.
3 ou 4 fois il m’a semble apercevoir une ombre derriere la fenetre-voyeuse…
On joue pour des enfants de rues, la moitie du Nepal et une deesse vivante. A Durbar Sq.
 
Des le 1000eme spectateur installe je commence.
Il y a des gens empaquetes derriere, sur les cotes, devant, probablement pas mal d’esprits au dessus…Pour un spectacle de magie, super !
Je n’en ai cure tout a ma joie d’etre la, d’etre le djadhu de Kathmandu…Un moment de la vie d’un magicien…
Paul enchaine, et la, surprise….D’habitude face aux nones, dans les ecoles, il lui faut 3 minutes pour
declancher l’hysterie, l’emeute, la foudre divine…Ici non.
Tous sourient d’un intangible bonheur, mais pas un qui hurle…Il les insite tant et plus, ils sourient
dans le silence…Que ce passe-t-il ? La clef reside dans la « retenue » de ce public. Retenue toute asiatique. Les enfants, les jeunes en bande echappent a ce code, les adultes non.
Pour autant il produit un show fantastique, comme chaque fois, ses diabolos s’envolent dans le ciel
de Durbar Sq accompagnes de mille silencieux sourires. Si, tout de meme, juste dans nos pieds il est une gamine qui hurle de rire, et, ouis-je un leger gloussement emanant de la fenetre de la Kumari ?
La Kumari rit ? Qui sait….
C’est fait, on salue, on range nos effets comme on peut, la horde des enfants de rues sur nous se rue,
on tente de se4 replier, « Djadhu, djadhu… » Tiens Mike Jagger et David Bowie passent juste la bras dessus bras dessous, tout le monde s’en fout, c’est le jour de Clowns et Magicien sans Frontiere Belgique personne ne peut rivaliser. Paul est un clown-jongleur divin.
 
Puis retour au home NAG ou nous attendent nos chers eleves. Comme chaque jour.
Pas a pas, a bas bruit, on rentre dans une forme d’euphorie-epuisement, le syndrome Clowns et Magicien sans Frontiere : « en ce monde la souffrance est l’essence, notre joie est la loi »
 
23/11/10, 8h du mat. On retourne avec la « soup kitchen », la cantine ambulante, mpour le coup presque la cantine-ambulance, nourrir la faune des gamins et gamines perches sur leur Himalaya d’ordures fumantes au temple de Patchupati-Shiva. Faire rire et puis pleurer. Se moucher puis y retourner.
Puis, rituel quotidien, retour au home, nos eleves et une nouvelle lecon de magie. Pour moi, la lecon de ma vie…