13/02/09
8h du mat, depart. Spectacle a 9h30. Une heure de taxi.Passe la nuit aux chiottes, experience metaphysique essentielle. Faut y aller. Je quitte a regrets ma cellule de liquides meditations en me demandant a quoi ca peut bien servir, sous la banniere de Clowns et Magiciens sans Frontiere d’etre malade a mourir s’il faut quand meme aller bosser.Clowns et Magicien sans Frontiere au dessus de la mort ? OUi.Dans le taxi : arretez arretez par pitie. Feu rouge, arret, fumees, chaleur, plus d’air…Demarrez demarrez par pitie.J’apprends ma premiere phrase birmane : einda bemale ? Ou sont les chiottes ?Je commence le spectacle par la. Ca les fait rire et surtout ils comprennent. Qqes uns m’accompagnent.Puis une heure de spectacle naufrage. Pourtant ils me semble qu’ils ont rit ces 200 gamins handicapes. Peut etre etait-ce mes boyaux qui se bidonnaient de mes faceties ? Sais plus. Souvenir glauque.

15/02/09 17h.
Ultimes preparatifs et sacs boucles nous partons pour Bogale dans le Delta la ou l’ouragan Nargis a laisse dans son sillage 150 000 morts. Ou 200 000. En juin 2008. Nous allons y apporter des rires….Au vu de l’ennonce c’est pas joue.Nous : le muscicien birman qui accompagne les spectacles, May la comedienne birmane, Hemo, moi et mes tripesexuberantes.Yangon Bogale, 5h par une route cahotique, 12h par le bateau. De nuit.Donc le bateau. Un tas de ferrailles, 2000 personnes couchees a meme le pont, les moines ont droit a une planchenous a une cabine, 48 dollars, sur le pont superieur. Very confortable ils nous ont dit au booking.Mieux qu’une planche a clous sans discussion.18h Trois coups de sirene, nuees de mouettes et goelands, on largue les amarres.Jusqu’a minuit notre comedienne va chanter a tue tete et en francais du Piaf, Jeanne Moreau, les Rita Mitsuko, Indochineen se bourrant copieusement la gueule au whiskey de concert avec le muscicien. 18 ans la mome.Toujours hyper reservee en bonne asiatique. A minuit elle gerbe tout et on va se coucher.Coups de sirene toute la nuit qui font meme vibrer les cheveux que je n’ai plus.Mais, a l’avant du rafiot, accoude au bastingage, les pieds sur 2 ou 3 dormeurs, le nez dans la brise fraiche du fleuve,le ciel de la saison seche en Asie du sud-est : myriades d’etoiles a portee de main. Et qqes satellites. Chinois bien sur.

16/02/09 5h du mat.
Un choc. Panique. On coule. Mais non on vient d’acoster a Bogale. 3/4 d’heure pour acceder du pont au quaiC’est encore la nuit. On a rencard a 8h30 dans les locaux de l’Unicef. D’ici la ? Rien. Petit dej sur le port dans la pagailleWhere do you from ? J’en profite pour exercer mon birman : einda bemale ? Ou sont les chiottes ? De suite je suis populairetout le monde rit. Il n’y a pas de chiottes.Mais si bien sur c’est mon accent qui est bon pour les chiottes. Entrelas de problemes intestinaux et linguistiques.Miracle, notre hotel apparait dans le petit matin (il y a toujours un cote « conte merveilleux » en Asie, entre 2 cycloneset qqes dictatures.)On s’effondre 2 heures. On se pointe a l’Unicef fraccasses a 9h.On part de suite donner un spectacle.Ce qu’il y a de sympa avec Clowns et Magicien sans Frontiere c’est que, meme mourant on a pas le temps de mourir.Et maintenant. o lecteur, des cette virgule et pour 10 lignes au moins je vais me departir de ma causticite.9h30 nous prenons le petit bateau de l’Unicef. coquille de noix equipe d’un moteur Yamaha.2h durant nous descendons le fleuve puis un lacis de canaux. Quelque chose comme une Venise tropicale.Buffles cocotiers et bananiers. Et le vert des rizieres. Villages du Delta.Stoppe dans l’un d’eux. Des dizaines de gens sont la, nous acceuillent et nous escortent.C’est un village Karen. Petite visite des lieux : l’eglise (les Karen sont majoritairement chretiens), ce qu’il en reste : les fondations.Nargis a embarque le reste, Christ et fideles compris. L’ecole : les fondations. Toit murs et eleves, Nargis amuses-gueule. La pagode buddhiste : Nargis cure-dents. C’etait en juin 2008.Sur le sol de l’eglise les villageois plantent des bambous de 3m de haut. tendent une bache bleue frappee au sigle de l’Unicef, un peu d’ombre sur ce Verdun tropical reverdit depuis. C’est la le lieu du spectacle.Tout le village accourt, c’est a dire la moitie du village, Nargis a empoche les autres.Ils sont quoi ?1500 ? Tasses sous la bache, un confetti d’ombre. On se sert un peu. Ca tient chaud.Les Karen. Je les ai rencontre en 2003 a Mae Sot, Thailande dans les camps de refugiers. Je les ai retrouve en 2008 dans les camps de refugiers. Leur brillance m’a frappe. Peuple en exil.Les revoici. Autres circonstances tragiques.Je n’en mene pas large encore. Malade. Je propose un compromis a mes tripes vindicatrices : une heure trente vous dormez, cobras loves au soleil, pendant ce temps je donne le spectacle. Elles acceptent.Tous me regardent. Moment suspendu d’avant spectacle. Je les regarde dans les yeux. Chacun, chacune. A tour de role.May la comedienne est derriere moi. Elle est prete. On va le faire. Une heure trente. Baignant dans la sueur.Pendant le spectacle me reviennent les images :juin 2008, sur toutes les chaines de TV, les milliers de cadavres flottants sur les canaux. C’etait eux. Je ne pleurerai qu’apres la representation.He les copains de Clowns et Magicien sans Frontiere Belgique, vous etiez pas si loin sinon, seuls on aurait pas pu la faire.Maintenant, si vous souhaitez pleurer un coup aussi, c’est le moment : on a fait un truc la.Apres le the la bouffe, les gateaux, les chapelets de remerciements. God bless you 10 000 fois. Mes larmes maquillees dans ma sueur.Et mes boyaux se rappellent a mon souvenir : einda bemale ? Ou sont les chiottes ?Puis retour a Bogale, le petit bateau, les si charmants canaux et les fantomes de Nargis. Partout.

17/02/09 Meme petit rafiot, autre village dans le Delta
18/02/09 Meme coquille de noix autre village
19/02/09 Meme bateau autre galere, qu’alla-t-il faire dans cette galere ?
J’ai chaud mais chaud, je degouline, j’en peux plus…Curieusement personne ne me demande si j’en puis encore.
alors on continue. On ferait quoi d’autre du reste ? Du bateau ? De la magie ?

17/02/09
Faut embarquer dans la pyrogue motorisee Yamaha a 6h du matin. On va s’engager dans le labyrinthe des canaux.
Faut beneficier de la marree haute sans quoi on s’ensablera dans les bancs de vase.
Clowns et Magicien sans Frontiere echoue dans la boue, les os blanchis par soleil tropical.

Je suis pret a allonger 100 dollars s’il nous mettent la marree a 8h30. 6h, pas de quoi se marrer.

Donc 6h du mat sous un ciel limpide et dans des nuages de moustiques nous voguons.
9h acces au village. Spectacle prevu a 14h, heure de fin de l’ecole et heure la plus chaude.
D’ici la on s’empiffre. Delicieux. La salade huileuse aux feuilles de the, une merveille.
Il fait chaud mais chaud…Heureusement il y a toujours 2 ou 3 personnes qui t’eventaillent.
Je pense au temps beni des colonies…Et des dizaines d’enfants qui te devisagent des heures durant, sans bouger.
Je suis une attraction touristique. L’arroseur arrose. Il fait chaud…

14h, fini de rire, entree des clowns. Tout le village reuni. Dans un grand espace ouvert entre les cocotiers.
Sous une grande bache bleue UNICEF comme hier. Elle se gonfle et se degonfle au gre du vent.
De temps en temps me touche la tete. Le public disparait dans le plastique bleu. 1500 personnes d’un coup.
Tout les fait rire : ce que je fais et ce que fait la bache.

Clowns et Magicien sans Frontiere Belgique : Bob Morane contre tous chacals, l’aventurier contre tous guerriers dans la jungle infernale, dans la jungle birmane. Je site de memoire : Indochine en 1984, De la litterature donc.
Clown et cultive.

18h, retour. Sacree journee, sacre spectacle, sacre chaleur, sacre bouffe. Hemo degueule des la descente du bateau.

18h30, Bogale. Retour a notre QG.
Suis assis sur une souche au bord du fleuve. Parmi les ordures. Je regarde le coucher du soleil. A peu pres 500 Birmans me regardent.
Je fais de l’ombre au soleil.
Entre les cocotiers sur la rive opposee, quelques cheminees.
Cheminees d’usines. Elles larguent dans l’air une fumee d’encre. Si dense qu’on la croit solide.
C’est aussi bien sinon mieux que les bords de la Sambre a Marchienne au Pont. Sauf que la personne ne me regarde.

1h du matin, insomnie blues.
Ado me voulais poete maudit. Beurrer ma tartine etait la premiere tragedie de la journee.
Lou Reed, blouson de cuir et Ray Ban sur son museau de rat chantait « Heroine ».
L’aiguille cherchait ma veine. J’ai toujours eu horreur de tout ca, les shoots, l’heroine frelatée, la cocaine, les amphet’s, mais il fallait souffrir pour etre a la hauteur des heros.
Sombre et defonce je trebuchais sur toutes les marches de l’escalier vers la ciel, Staitway to Heavens.
Les Who clamaient « hope I die before I get old ».
Et la je suis ce vieux mec de 53 balais, quelques rateaux et 2 ou 3 beaux restes ca et la qui fait rire des enfants d’Asie.
De l’Himalaya au delta du Mekong. Depuis 9 ans.
Lou Reed , lui, milite pour la sauvegarde des baleines.
On est devenu de vieux cachalots.