Au cirque, il y a la tarte à la crème et la fleur qui arrose. On les a remplacés par l’âne et le moustique.

Au cirque, il ya le clown blanc et l’auguste… Mais ici, quelque soit leur rôle dans le spectacle, les trois clowns sont tous plus blancs les uns que les autres ! Et la tartine de crème solaire n’arrange pas les choses…

Et quand on voit un blanc au Tchad, et encore plus dans un camp de refugiés, on se dit qu’il est la pour donner, donner, donner… de la nourriture, des médicaments, du matériel scolaire, ou simplement un t-shirt ou un cadeau. Une partie entière de ce monde est devenue dépendante de l’autre. Et inversement ! Que deviendraient les ONGs sans la misère ??

Alors quand les trois clowns blancs arrivent, avec leurs sonneries de tromblons, coups de pieds au cul et farces ridicules… Tout le monde se demande bien ce qu’ils sont venus apporter.

Et nous aussi, le doute nous monte au cœur de temps en temps… Qui sommes nous pour débarquer avec nos gros nez, nos instruments rutilants et nos blagues au milieu d’une foule qui a tant souffert, souffre toujours et a tant de besoins matériels ?

Et puis le doute se dissipe… Chez eux comme chez nous…

Au fur et à mesure du spectacle, ou simplement de la rencontre, tout le monde découvre que nous ne sommes pas ces blancs venus délivrer une bonne parole, aux messages pleins de bonnes intentions mais martelés comme une propagande. Depuis notre arrivée, on a entendus des hymnes à la croix-rouge, des règles d’hygiène hurlées en chœur, des chants nationalistes pour tout-petits…

Nous n’avons pas de cadeau. Nous ne donnons pas notre ballon de foot a la fin du spectacle. Nous ne distribuons pas des t-shirts CMSF… Nous sommes là, tout simplement. Notre présent est partageable par tout le monde, nous leur offrons ce que nous avons de plus beau : notre ridicule !!!

Nous sommes heureux de désacraliser l’idée du blanc sauveteur, mais tellement condescendant…

Quelque soit le nombre, devant les quelques enfants de l’orphelinat de fortune du pasteur, ou dans un cercle immense regroupant des milliers d’enfants vivant dans des abris rapiécés en périphérie, nous sommes tous ensemble :

ensemble les trois clowns dans leur complicité et leurs jeux stupides,

ensemble les enfants et les adultes dans les éclats de rire,

ensemble les ethnies divergentes dans la stupeur face à la magie,

ensemble les chefs autoproclamés et les anonymes,

ensemble les hommes et les femmes (presque !)

d’eux vers nous, de nous vers eux, une vague d’émotion nous réunit.

Koulou Sawa ! Sokko Lakwé !

Et alors le cadeau est partagé :

Passer du temps à rire et échanger des jeux avec un ancien enfant soldat, et se dire que peut-être aujourd’hui une infime partie de son traumatisme s’est dissipée, est un cadeau autant pour lui que pour nous…

Bon vent

Gambito