Pas de répit pour les clowns ! Ce premier janvier sera consacré aux camps de Grande-Synthe (près de Dunkerque) et la fameuse jungle de Calais…

Rejoints par Babette, de la section française de CSF, nous quittons Emmaüs avec les compagnons pour aller accompagner la distribution de nourriture à Grande-Synthe. Babette, qui avait déjà fait une mission ici en juin, ne reconnaît plus le camp : là où il y avait une grande étendue de gazon, les tentes et les cabanes on poussés comme des champignons, créant une mer bleu-bâche…

La présence policière crée une ambiance oppressante à l’entrée, il faut montrer patte blanche, ils fouillent certaines personnes, mais heureusement pas les clowns ! Notre venue avec les compagnons Emmaüs simplifie les choses.

Pendant la distribution de nourriture, nous profitons pour faire connaissance avec les habitants du camp, à travers des déambulations, des musiques, salutations, jeux avec les enfants… ce sont les premiers enfants que l’on voit dans les camps. Il sont surexcités, se prennent à nos jeux, tentent de nous arracher les instruments, tirent les nez… Il faut parfois s’approcher d’une tente pour y découvrir toute une fratrie qui nous écoute et nous regarde avec des yeux ébahis. Les conditions de vie sont indescriptibles : la boue recouvre tout, les abris de fortune sont agglutinés les uns aux autres, des braseros ici et là, mais notre présence est bienvenue. Les enfants nous suivent, les visages s’ouvrent à notre passage, et nous formons, après une heure de déambulation boueuse, une caravane d’enfants pour se diriger vers le lieu de la représentation.

Quand on parle de lieu de représentation, il d’agit plutôt d’un espace un peu large, au milieu du chemin, entre caillasses et bennes à ordures ! Nous tentons de suivre notre canevas du spectacle, l’adaptant au fur et à mesure aux débordements, les enfants se ruant aux milieu des scènes, s’appropriant nos accessoires, puis (à juste titre) l’espace de notre reine d’Angleterre ! Une file interminable des petits se présente pour le jeu des passeports. Tout se finit en chanson, mais cette fois-ci dans un style plus chaotique que d’habitude, en restant toujours bienveillant.

On nous aide à replier notre bâche (inutilisable évidemment) et nous rentrons dans un contact plus proche avec les migrants : beaucoup de Kurdes Irakiens, et des conversations multiples. On entend un ancien nous dire que nous avons amené une « medicine for soul », nous quittons le camp les costumes boueux mais les cœurs remplis !

En route pour Calais, cette fois-ci pour essayer souhaiter la bonne année aux habitants de la jungle. Nous déambulons d’abord timidement sur la route qui borde le camp, ne voulant pas faire intrusion, et ayant eu vent d’une réputation « dangereuse » de ce camp. Mais rapidement nous montons sur la dune qui borde la route, et commençons à danser et jouer avec une bande de jeunes de l’autre côté.

Et finalement, nous avons la chance de rencontrer Léo, un bénévole indépendant qui commence à nous guider à l’intérieur du camp. Et démarre alors une déambulation sans fin, souhaitant la bonne année (et bonne chance pour la traversée de la Manche !) à tout le monde, avec des moments de fanfare, d’autres plus intimes. Parfois contre notre gré : on vient nous arrêter pour l’heure de la prière ! La nuit commence à tomber, et nous découvrons peu à peu une petite partie de ce camp gigantesque, bien plus organisé que celui de Grande-Synthe, avec ses cabanes, caravanes, restaurants, cyber-cafés, douche-hammam et même un dôme-théâtre ! Tout le monde est surpris et enchanté de nous croiser, on finit par être guidés par une bénévole anglaise jusqu’à un espace pour les enfants, ou nous lançons nos chansons, dans un cercle de sourires et de mains qui claquent. C’est difficile de partir, mais la nuit est déjà là et nous sommes éreintés de tant d’énergie distribuée.

De retour à Emmaüs, nous sommes heureux de partager notre repas avec les compagnons, et aussi Ahmed, jeune Koweïtien qui partage notre quotidien depuis quelques jours. Il vit dans cette jungle de Calais dont nous revenons, n’ayant pas supporté les conditions éprouvantes de Grande-Synthe. Il a 5000 livres sur son compte bancaire, mais les passeurs lui en demandent 10.500 pour la traversée, alors qu’en 2012 le passage se négociait à 500 euros. Il nous raconte la vie de ces migrants qui n’ont pas les moyens de payer un passeur, la fatigue des tentatives de chaque nuit, son quotidien dans le camp… Son amie française qui l’accompagne nous confie que chaque fois qu’elle lui dit « au revoir », elle espère qu’il passera et qu’elle ne le reverra pas. Ce jour-là, c’est qu’il aura réussi !