Venezuela, San Cristobal

Le Venezuela, voisin de la Colombie, et pourtant si différent, une guerre médiatique est en œuvre dans ce pays (vous me direz, partout dans le monde… Mais là , on peut vraiment sentir la bataille entre les chaînes appartenant au gouvernement et celles appartenant à l’opposition).

La situation économique du pays est terrible, depuis le mois d’août où nous sommes venus avec la Caravana de Las Risas, le prix de la vie a presque doublé !!!

Les vénézuéliens sont perdus, pour certains, ils en veulent au gouvernement, au communisme. Les autres soutiennent ce gouvernement et dénoncent l’opposition et son soutien à l’impérialisme américain.

Un repas bon marché dans la rue vaut environ 200 bolivares, le salaire minimum est de 5000.

Le mardi 27 février , alors que je suis en train de donner atelier d’expression et clown pour des travailleurs communautaires culturels à San Cristobal , on nous demande de quitter les lieux, les protestations qui ont commencé la veille sont devenues trop inquiétantes, toutes les institutions vont fermer leurs portes et nous sommes dans une école artistique.

L’université Catholique du Tachira où je devais donner mon atelier pour les doctor Yaso (clowns à l’hopital , cf post précédent) est encore plus au cœur des manifestations car des jeunes sont sur les toits avec des cocktails Molotovs.

Quand je demande quels sont les revendications de ces jeunes à Pedro et sa famille qui m’accueille à San Cristobal, ils me disent que la plupart ne savent pas et que l’on soupçonne les gens de l’opposition aisée (au gouvernement bolivarien de gauche) de payer ces jeunes PAUVRES pour manifester et créer le désordre… Dans quel monde vivent-ils ??

Seulement, dans les manifestations, ce matin, un jeune garçon de 12 ans a été tué par une balle (perdue ?) d’un policier…

Alors tout s’arrête à San Cristobal pendant quelques jours, mes ateliers sont suspendus et déjà jeudi, je rentre vers la Colombie…

Pereira ACJ , Remazo , Tokio

A Pereira, nous avions passé 24 heures en août dernier avec Citlali et Paùl en partenariat avec l’association ACJ-YMCA, et oui, YMCA comme dans la chanson, encore une organisation sociale qui a pour origine des principes chrétiens…

Cette association est très dynamique et permet à des jeunes s’intéressant à la culture et au travail avec les personnes les plus exposés au problème colombien (mafia, narcotrafic, gangs), de trouver un lieu et un groupe qui valorise leurs actions. Pour une bonne partie de ces jeunes, d’origines différentes (certains sont légèrement aisés et d’autres viennent des mêmes quartiers où l’association intervient), l’association est comme une deuxième famille et une première expérience dans le travail coopératif.

Cette fois, nous avons mis en place un projet sur deux semaines. Les mardi, mercredi et jeudi soir, je donnais 3 heures d’ateliers aux jeunes bénévoles (entre 15 et 25 ans) de l’organisation, et les jeudis, vendredi et samedi après-midi, je donnais deux heures d’ateliers à des enfants dans le collège de Tokio, accompagné de quelques bénévoles.

Pour les bénévoles, j’ai commencé par des ateliers basés sur des exercices coopératifs, des bases pour l’expression avec notamment des exercices travaillant la désinhibition, l’idée étant que les bénévoles utilisent ces outils pour leur travail avec les jeunes des « comunidades » (quartiers populaires). Une fois dans le quartier, je menais les ateliers avec les enfants et de temps à autre, un jeune bénévole donner un exercice puis nous évaluions ensemble son intervention après l’atelier.

À la demande des jeunes, j’ai orienté les ateliers de la deuxième semaine vers la pratique du clown.

Et le dernier samedi, nous avons organisé un petit événement dans le quartier San Vicente où j’ai présenté mon solo « flor he sido » au centro Teresita Ramirez et où les jeunes ont défilé en échasses.

La comuna Villa Santana est sûrement l’une des plus dangereuse et populaire de la périphérie de Pereira, elle est composée de trois barrios (quartiers), Tokio, Remazo et San Vicente qui ne communiquent que très peu entre eux, des mafias font un peu leur loi dans chacun de ses quartiers (« péage » à payer pour les chauffeurs de bus par exemple). Le collège de Las Brisas se situe à la confluence de ses trois quartiers, il est un lieu de rencontre des jeunes et enfants de ces différents barrios. Et pourtant, même ici, la mixité (entre ces enfants de quartiers voisins) est laborieuse et cette difficulté se ressent lors des activités que la ACJ-YMCA met en place.

Manizales, Solférino

Solférino, quand je prononce ce nom en présence de quelconque personne de Manizales, elle me regarde d’un air de dire, le fameux quartier le plus dangereux, ou plutôt mafieux, de la ville.

Ici, je donnerais 3 heures (ou plutôt 2, retard à la colombienne oblige) d’ateliers par jour pendant 5 jours à un public varié, quelques enfants , une majorité d’adolescents et jeunes adultes , et le coiffeur du coin et sa compagne. Les personnes qui sont invitées à participer à l’activité font parties de l’association « Huellas de vida » .

La Fondation Comunautaire Huellas de Vida est un espace de rencontre, formation et projection communautaires qui permet un processus organisationnel à l’initiative des quartiers, en promouvant une culture de construction de la paix depuis les pratiques quotidiennes. Son travail communautaire contribue à dé-stigmatiser les jeunes qui consomment des substances psycho actives et/ou qui sont impliqués dans des activités délinquantes en permettant la construction d’un réseau primaire de soutien entre pairs qui développe des actions de projection communautaire.

Ici, la tournure que prit un de mes exercices fut révélateur de la réalité du « barrio Solférino». Deux personnes face à face, la première a deux minutes pour faire une déclaration d’amour à l’autre (avec toutes les fantaisies possibles), l’autre « se remplit » mais reste silencieux , après 2 minutes chacun « digère » ce moment et le deuxième répond en deux minutes par une « salve » d’insultes….

Dans ce quartier, tous, sans exceptions, arrivèrent à des menaces de morts au moment d’insulter l’autre… Ce fut pour moi révélateur d’une condition d’un quartier où avoir des problèmes avec quelqu’un amène très vite à menacer sa vie et celle de toute sa famille… Empreinte de l’imbroglio entre mafia paramilitaire, gangs et groupes armés dans ce quartier de Solférino.

Medellin : Fundacion Visibles, Robledo Venga Parchemos

La Fundacion Visibles distribue du chocolat chaud et des pains tous les jeudis soirs sous le pont de Niquitao, en centre ville de Medellin pour les personnes vivants dans la rue. Nous avions joué là aussi en Août 2014 avec Paùl et Citlali, très prenante et émouvante représentation pour nous trois. J’ai donné un stage sur deux jours aux personnes de la section « enfance » où nous avons abordé la relation à l’autre et la désinhibition à travers des exercices d’expression corporelle et des jeux coopératifs

Puis je suis allé jouer dans une maison d’accueil pour des enfants des rues tenue par une vieille bonne sœur qui en a vu d’autres et qui mâche son chewing-gum avec l’air bougon de ces personnes qui ne se formalisent pas mais qui donnent beaucoup à travers leurs actions.

La belle surprise de cette mission restera sûrement la collaboration avec la corporation Robledo Venga Parchemos.

Cette petite corporation de Robledo, la comuna 7 de Medellin, est très active et propose des ateliers de jonglerie, et de théâtre-clown pour les adolescents et jeunes adultes de façon hebdomadaire, ainsi qu’un atelier ouvert à tous de pratique circassienne tous les dimanches après-midi.

En plus de cela, ils organisent des séances de préparation d’entrée à l’université publique, des ateliers de discussion sur la sexualité pour les adolescents, des soirées de lecture et d’échange autour d’un thème ou d’un auteur connu, et de nombreuses autres activités ponctuelles festives ouvertes à tous…

J’ai donc donné 5 ateliers « exceptionnels » de clowns aux personnes les plus investies de la corporation et j’ai mené un des ateliers clowns qu’ils organisent chaque semaine.

J’ai fort apprécié l’implication et la motivation de ces jeunes qui organisent bénévolement des activités et festivités culturelles pour leur communauté. Ils m’ont logé dans l’humble maison de l’association. Ces jeunes sont tous étudiants ou jeunes travailleurs ou artistes de «feu rouge » , et consacrent une bonne partie de leur temps libre à la vie de la corporation et donc du quartier.

Cette mission longue se finit à Medellin et aura été une belle expérience de partage de mon point de vue sur le clown, le cirque, le jeu d’acteur et la transmission avec les artistes, clowns sociaux,enfants, travailleurs communautaires et jeunes bénévoles de Mérida, Ciudad Sucre, San Cristobal, Pereira, Manizales et Medellin.

Erwan