Harmanli, à cœur ouvert, des cris, des bienvenues, l’excitation grimpante lors de notre entrée en clown dans l’immeuble, des sourires qui sortent des chambres, des familles qui se dévoilent, qui nous regardent, s’amusent de nous, des cafés qui volent, un accueil surprenant, fort et tendre. Et leurs mots, les discussions autour d’un matelas sale posé sur le sol, leurs souvenirs de Syrie, toujours cette Syrie entre eux et le monde, le fléau de cette guerre qui dévaste leurs insouciances, leur courage à déserter, à ne pas vouloir tuer un voisin peut être, à ne pas mettre leurs familles en danger, et à tant souffrir d’être si loin d’eux, de ne plus avoir de leurs nouvelles ou rarement. Une lourdeur d’homme mûr et la tendresse, le désir de garder toujours son humanité, de ne pas la perdre, de se vouloir meilleur.

Lennart, Martin, Bram, sont là, à nous suivre, nous filmer, discrètement…

Et nous entrons dans leurs mondes, une nouvelle fois. Encore plus d’excitation, plein d’improvisation lors de nos montées sur ces escaliers, et nos visites de leurs chambres. Des aubergines entrain d’être coupées, des choukran, des yeux rieurs et leurs bonjours. Et SIETE, nous jouerons à six heures, quand le soleil baissera, venez, venez!!!!!

Et puis le spectacle sur la scène d’un théâtre détruit, le soleil des six heures, qui réchauffe, des rires qui éclatent, des gens qui arrivent au fur et à mesure, des enfants excités de nos jeux et "ANA ANA", moi aussi je veux jouer, encore rêver, être l’enfant que je suis. Les enfants du monde, partout, gardent leurs fraîcheurs et leurs rires, puisqu’ils habitent sans cesse leur présent, et la guerre si loin, il faut être enfant ou fou pour ne pas s’en soucier.

Ma génération, les 25 ans, nombreux sont ces jeunes garçons révoltés, qui ont encore tant à faire, à construire leur vie, leurs rêves de familles, de simplement vivre, bien, quelque part, être en paix. Et moi, si impuissante, dans une autre réalité, avec mon coeur à leur donner, pour les supporter, leur dire qu’ils ne sont pas tout seuls, et les larmes qui coulent à les faire pleurer eux aussi, ou presque. Nous reviendrons demain, jouer encore, faire deux workshops pour être ensemble le temps qu’on peut.

Bonne nuit, Leila Saida, et à demain.

Virginie