Nous cheminons sur les routes vers Nuwakot, district au nord de Kathmandu, qui fut un des plus touchés par le tremblement de terre. Premier spectacle dans une école détruite, l’accueil est chaleureux. Nous partons ensuite pour une marche abrupte qui nous mène, suantes à travers les petits hameaux ravagés, aux maisons de terre brisées, à la rencontre des paysans s’affairant à planter le riz, poussant leurs buffles afin qu’ils labourent, pataugeant dans la boue. Les paysans aux mains de terre, leurs regards profonds déposés sur le monde, continuant à vivre. Nous visitons les temples installés dans les maisons, lieu de prières et de recueillement, souffle vers un au-delà rêvé, pour combler la langueur des jours.

L’ampleur des destructions est impressionnante.

Déjà on les entend de loin, les enfants de Thrapek, au sommet, qui nous font un accueil sublime, en danses, fleurs et chants de bienvenue. Nous jouons au coucher du soleil sur l’Himalaya. Nous dormons dans une école fissurée, à même le sol, les murs grinçant, les chats hurlants, se réveillant au petit matin, pour une marche de deux (estimation népalaise ) cinq heures vers Balkumari. Nous grimpons encore, accompagnés d’une petite équipe qui nous fait découvrir cette région perdue. Une trompette sonne pour un enterrement, un petit corps recroquevillé dans un cercueil en tissus, des sourires et de la musique pour accompagner le défunt. Nous sommes accueillies par une famille, pour un dalbat dans ce qui leur sert de maison, une réserve à riz réaménagée, leur maison étant tombée, sur leurs bêtes, un buffle par terre entrain de rendre l’âme, après avoir été blessé par les pierres.

Nous arrivons dans une école de fortune, à flanc de montagne, où nous jouons entourées par la bienveillance et les rires des paysans et enfants. Encore la descente, deux heures, nos jambes tremblantes n’en peuvent plus, pour rejoindre Samundratar, au fin fond de tout, tout le village est dévasté. Nous dormons avec les poules et les insectes, dans une petite case crasseuse. Après un bon dalbat, et discussions, nous tentons de dormir, épuisées, mais la nuit est pleine de surprises. Bruits de glissements de terrains, le sol qui tremble, la case qui bouge, une piqûre qui me déforme le visage, et l’angoisse. A l’aube, le coq nous réveille en hurlant, tout est passé, les cauchemars de la nuit sont derrière nous. La pluie ne cesse de tomber, il faut attendre pour jouer. Nous apprécions ces instants coincés avec ce petit couple de népalais qui rigole et se chamaille. Enfin la pluie est finie, nous jouons pour tout le village, des grands pères aux chapeaux roses, aux enfants comédiens, aux femmes qui nous remercient avec douceur, nous les quittons ces villageois, avec émotion, et nous nous écroulons de sommeil dans la voiture vrombissant vers la poussière de Kathmandu.

Au fur et à mesure des missions, de ces routes, ces rencontres, ces partages grandissent, transforment, poussent à repenser sa pensée. On s’en prend plein la figure et le cœur. Et humblement nous recevons. Non nous n’avons pas la prétention de venir les faire rire, ils savent rire sans nous ces Népalais, mais nous pouvons, seulement par le fait d’être là, témoigner de leur pétrin qui nous émeut. A toutes ces personnes qui font face, nous leur devons une profonde leçon de vie. C’est dans la joie de ces échanges simples, dans la poésie retrouvée ensemble, que notre travail fait sens.

A bientôt !

Virginie