05/03/12 Bangkok
Adieux à Paul et Bastien, fidèles compagnons d’épopées et de dysentries, dans la nuit moite de Bangkok. Je m’envole
pour Kathmandu.

J’y débarque passablement épuisé par la mission « camps Karens ».

06/03/12 Joba débarque de Bruxelles. Joba, danseuse, aux multiples talents. Je le suppute ne l’ayant jamais vue à l’oeuvre.
Début d’une aventure dans la pure tradition Clowns et Magicien sans Frontière Belgique : un kilo de matériel, des heures de shows,
2 personnes, un cirque ambulant, c’est parti !

les 8, 9, 10 et 11 mars nous mettons au point des ébauches de numéros communs. On achète un vieux lecteur de CD, qqes CD
de musique népalaise. Répétitions dans notre piaule, 2 mètres carrés, moustiques puces et araignées offerts.

Les 9, 10 et 11 mars au petit matin nous nous rendons à Ratna Park et au temple de Patchupati ou des ong népalaises nourrissent
des grappes d’enfants de rues. Nous nous lançons, comme ça, comme je fis avec Paul en novembre 2010 avec Raphael en octobre 2009.
Extraordinaire enthousiasme. Outre les mômes de rues et les membres des ong des centaines de gens s’agglutinent.
Une fascination : Joba danse ! Presqu’une révélation, la danse quasi improvisée sur une musique locale tel un spectacle
complet. Je fais bien un peu de magie juste pour dire J EXISTE pour autant c’est elle le centre. Et le truc : elle va chercher les enfants
assis par terre, crasseux pouilleux et tout et les fait rentrer dans la ronde.
Du coup on se retrouve avec plein de demandes de homes pour y aller jouer. C’est parti !

10/03/12 après midi show au Ram’s home. Une trentaine d’enfants, une petite pièce puante, on branche le lecteur de CD, coupure de courant 5 minutes plus tard (en moyenne 5 heures de coupure de jus quotidiennes à Kathmandu, jamais les mêmes moments)
Il nous demeure les piles de la veille, plates bien sur, les gamins courent en racheter, c’est déjà du spectacle.
Joba et moi on balance notre numéro puis Joba danse. Plus d’une heure. Elle va pecher gamins et surtout gamines pour se joindre à elle.
Je découvre une nouvelle conception de spectacle, je découvre cette évidence du contact, ce moyen d’intégrer les gamins dans
l’action. Pour le coup elle est l’âme de cmsf. Oui, c’est ma copine, oui je suis partial mais bon, de la sorte ça se passa. Et en 12 ans
de cette démarche je n’avais jamais vu ça..
Bien sur on passera l’après m’ et la soirée sur place. Et les gamines en redemandent et Joba continue…Moi je savoure le thé en écoutant gargouiller mes tripes, souvenir des camps Karens.

11/03/12 On se rend au Kamal Gouvernemental Hospital, section « enfants brulés ». Une pièce sombre et humide, encombrée de brol
des enfants atrocement défigurés, estropiés, tous sous morphine, des mères présentes et silencieuses, des infirmières affairées…
Ouf ! Magic-show plus d’une heure et…Joba danse ! Pas simple vu que peu de place. Après quoi on va discretement se descendre qqes bières quasi au prix du champagne. On en a foutrement besoin.

12/03/12 retour au Kamal Hospital section des enfants cancéreux cette fois. Tout l’après m’ y passe, on se rend dans 5 chambres
communes. La detresse y est palpable, on ira chercher certains enfants jusque dans leur lit. Rires et rires. Lorsque nous y
retournerons pas mal seront morts. Hopital à l’image de Kathmandu : en ruines. Patients partout, étalés dans les couloirs, faisant
à bouffer à même le sol, chiottes qui dégorgent…Joba danse.

13/03/12, soir. Spectaculaire montée de fièvre. Tremblements convulsifs, dents castagnettes, ça sent le palu…3 nuits. Hopital à mon tour.
Personne n’y danse hélas. Mon agonie n’inquiète pas grand monde. Je décide de guérir seul. Ca marche plus ou moins.

17/03/12 Orphelinat Balmandir.
Des gosses mal en point, un magicien idem, spectacle dans l’allégresse plus d’une heure tjs en duo avec Joba. Puis elle donnera cours de danse 1h30 pour une quinzaine de gamines. A nouveau ce supplement d’âme, à nouveau cette capacité qu’elle a via la danse à succiter
un « au dela du spectacle ».

19/03/12 au 26/03/12 nous nous rendons au home NAG, point central de cette mission.
Toutes infos à propos de NAG : www.nag.np et sur Facebook : the naggers of Kathmandu.

C’est le lieu ou j’ai résidé en compagnie de Paul lors de la mission 2010. C’est la que nous avons inauguré une nouvelle approche
de l’activité cmsf : vivre dans un home, donner au quotidien des formations aux jeunes, créer une relation d’amitié durable, passer du stade ou les enfants de rues, les réfugiers, les enfants malades etc..sont « masses », groupes, visages inconnus au stade de la relation,
du contact humain investi. L’activité qui est la notre (cirque au sens large) permet ce type d’approche, cet enrichissement relationnel.
C’est évidement une carte qu’il nous faut jouer, c’est bien sur l’un des coeurs de nos actions.
Lors de mon passage à NAG en compagnie de Paul un point m’avait navré : nous n’avions pas réussi à intégrer les filles du home dans nos activités. C’est une des raisons pour laquelle j’y retourne avec Joba : impliquer les filles. Via sa présence, sa générosité et LA DANSE.

Une autre raison de ma présence ici : y retrouver des amis. Horde d’enfants de rues qui m’acceuillent. Qui se souviennent de tout, la moindre anecdote, la plus petite plaisanterie. Qui se souviennent de tout ce que je leur ai appris en magie, qui me sortent leurs paquets de cartes archi cuits et qui me font défiler tous les tours plus ceux qu’ils ont imaginé depuis à partir de ce qu’ensemble nous élaborâmes.
Evidement je pleure mais vu que je suis encore affaibli je mets ça sur le compte de la maladie.
Je recommence les « magic class », je retrouve mes élèves et Joba s’en va à la rencontre des filles. Vu qu’on donne « cours » aux mêmes moments je ne saurai rien de l’activité danse sinon le son de la musique, sinon les « 1, 2, 3 et 4 » qui rythment leur chorégraphie.
Il s’est passé lors de cette semaine à NAG des moments rares. Des moments qui échappent aux mots.
Dès le 2eme jour l’idée de donner un spectacle commun, elles, eux et nous s’impose.

25/03/12 le spectacle.
Tout le home s’y met : préparer la scène (qui sera la grande salle pure ciment et pure puanteur ou on bouffe tous les jours)
décors : vieilles couvertures pourries qui serviront de fond de scène, tables renversées qui seront et loges et coulisses, éclairage qui fonctionne jamais…
15h, on est pas pret mais c’est l’heure. Bousculades dans les loges improvisées. C’est partit ! La chorégraphie des filles d’abord
le magic-show des ados ensuite, puis toutes et tous nous poussent, Joba et moi, sur scène…Vers 16h30 c’est fini, mais, question,
comment finir une tranche d’éternité ? En tout cas un truc pour la vie ? Un fragment se trouve deja sur Utube « Sylvain et Joba » pour y mettre l’intégralité nous attendons l’autorisation de NAG (règle éthique)
Ces moments à NAG, avec Paul d’abord, avec Joba ensuite sont parmi mes plus extraordinaires moments cmsf.
Le fait d’y avoir apporter qqe chose de l’ordre du spectacle, de l’affect en est la clef.
En tant que « formateur » je serais ravi que certains de ces jeunes puissent un jour vivre de cet acquis.

Je demande qu’on mette cette activité « présence-enseignement » au programme de la réunion internationale Clowns without Borders de mai 2012 et qu’on y défende le droit de la pratiquer et de la revendiquer.

27/03/12 spectacle au home : Dalit Mahila Utthan Kendra (home pour enfants d’Intouchables, demande qui date de nos sorties à Ratna Park au tout début)
80 enfants, coupure de courant, une partie du spectacle à la bougie et lampes de poches et Joba danse et fait danser.

28/03/12 retour à NAG pour une fête d’aurevoir. On passe le DVD de l’après m’ spectacle. Tout le monde rit et pleure. On reçoit tant d’amour qu’on est pas sur de pouvoir remonter sur notre petite mob de location. Les rues de Kathmandu sont pourries, c’est la nuit
on est ivre, de bonheur de poésie d’alcool…

29/03/12 Joba quitte Kathmandu. J’erre seul dans les rues. Les gamins, les gamines, les adultes, les vieux, tout le monde nous connait,
à ma vue une question fuse : where is the dancing girl ?

Une des raisons pour laquelle j’ai si peu écrit lors de cette mission et ai tant tardé à le faire lors de mon retour est que ce fut
si intense, si émotionnellement chargé que les mots m’ont cruellement manqué. Je vous tape cette missive en reniflant dru.

A ce jour cette mission n’a pas été reprise par cmsf Belgique telle une « vraie » mission…J’aimerais qu’elle le soit.
Qu’en pensez vous ?

Vous embrasse