7 avril, en route

Ça y est.
Je suis assise confortablement dans l’avion Turkish Airlines direction Istanbul.
Cette première aventure afghane touche à sa fin.
Je suis assise dans l’avion Turkish Airlines direction Istanbul et j’ai le cœur et l’esprit gonflés d’émotions.
Sensation étrange à l’estomac.

Pour ce qui me concerne, pas moyen de prendre les choses légerement aujourd’hui.
Je fais ma tragédienne.

Ce matin, le soleil s’est levé tôt sur Kabul.
Ma Kabul, notre Kabul, la Kabul des tous les enfants que nous avons rencontré.
Je regarde la ville qui se reveille et je remercie l’appel à la prière de 5h, ça rend le reveil plus doux.
Les arbres devant ma fenêtre montrent les premières petites feuilles; quand on est arrivés il n’y avait même pas de boutons.

On sort dans le matin gelé, pas trop envie de parler. Je vois dans les yeux de mes copains l’envie de se remplir encore d’images familières.
Anaël se retourne une dernière fois vers le batiment d’Aschiana, celui qui a été notre maison dans les derniers 20 jours.
Pietro se jette dans les bras ouvertes des gardes, prêts à l’accueillir.

Dans la bouche de nos amis la Belgique n’est qu’un mot qui evoque des images confuses d’une Europe où il y a travail et argent. Et surtout, la paix. (biensûre, nous la guerre ne la faisons pas chez nous!)
Je me demande alors (et c’est peut-être la petite bobo hyper-naïf qui parle) pourquoi ma vie à Bruxelles m’apparaît si pauvre face à la vie d’ici. Nous sommes riches, c’est vrai, on manque de rien, mais… à quel prix?

***

Hier, dernier après-midi à Mobile Circus, cours de théâtre et clown.
Aziza, Motiv, Mushtaba…c’est difficile, il s’agit de forcer les cotûmes, rentrer dans un terrain où tout est permis (l’opposé de la culture afghane où presque rien est permis). Et en plus, en pleine adolescence!
Mais ils y mettent à fond, ils ont soif d’apprendre, d’y profiter de tout ce qu’on peut leur donner et finalement on voit les résultats.
Quelques scènes prennent forme, on voit timidement apparaître les clowns…
Deux nez rouges, quelques balles de tennis et une chaise, pas besoin de plus.
Vraiment pas.

***

Glossaire d’un clown

Pluie: jeu, fête. Cours, danses et rire.
Kabul en reçoit très peu.
Spettacolo bagnato, spettacolo fortunato.
Les enfants mouillés qui nous regardent, nous qui glissons sous la pluie.
Merci la pluie.

Cela, j’aime.

Fête: pas bien, on la fait pas. Non, en fait, on peut la faire: ça suffit de ne pas le dire. Bref, de ne pas se faire voir. Surtout s’il y a de la musique. Ce n’est pas convenable.

Cela je n’aime pas.

***

Istanbul. Je marche dans la rue.
Enfin je retrouve des choses normales.
Je suis une entre beaucoup.
Je sens par contre fort sur moi l’odeur de Kabul qui ne veut pas me laisser.
J’éspere le garder encore un peu.

Serena